
Déclaration de la Commission Administrative nationale de l’UGTT Réunie le 2 février 2021
Les membres de la Commission administrative nationale de l’Union générale tunisienne du travail, réunis le 2 février 2021, sous la présidence du Secrétaire général de la centrale, le camarade Noureddine Taboubi ;
Après avoir examiné la situation générale dans le pays et évoqué notamment la crise politique et la situation économique et sociale qui y prévaut suite au dernier remaniement ministériel:
1- Expriment leur profonde préoccupation face à la persistance de la crise politique qui a atteint un niveau sans précédent menaçant désormais l’unité de l’État et la sécurité du pays et son avenir. Ils soulignent que cette crise tout en mettant en jeu la crédibilité de la Tunisie à l’étranger, n’a fait qu’accroître la crise sanitaire du COVID 19 et attiser la crise sociale vécue parles Tunisiens et portant le préjudice aux entreprises économiques dans tous les domaines.
2- Déclarent que le paysage politique marqué par les différents tiraillements politiques et les diverses accusations a conduit à une crise aigüe illustrée particulièrement suite au dernier remaniement ministériel qui a obéi aux pressions des lobbys et s’est caractérisé par un passage en force de manière unilatérale, ne prenant pas en considération les réserves de certaines parties concernant les soupçons de conflits d’intérêt et du corruption autours de certains ministres proposés et faisant fi de la conjoncture difficile que traverse le pays et du vide institutionnel que les partis majoritaires à l’Assemblée des représentants du peuple ont délibérément entretenu depuis la législature précédente du Parlement pour empêcher la mise en place des institutions constitutionnelles, au premier rang desquelles la Cour constitutionnelle habilitée à résoudre les litiges constitutionnels et juridiques. Cela a conduit à une paralysie totale des affaires publiques qui ne peut être résolue qu’en faisant appel à la Constitution pour sortir de l’impasse politique et constitutionnelle, afin que l’appareil d’État puisse fonctionner et bâtir après l’état d’arrêt et d’inactivité qui l’affligeait.
3- condamnent fermement les actes de violence, y compris ceux qui sont perpétrés par le bloc de la Coalition du terrorisme, qui a usé de son statut parlementaire pour faire de l’ARP une plate-forme d’incitation au discours de la rancune, de la haine, d’accusations d’athéisme et d’outrage causé aux symboles de l’État tunisien. Ils expriment leur désapprobation quant à l’incapacité de la présidence de la Chambre de prendre une position ferme et rigoureuse contre cette catégorie de députés et d’arrêter cette dangereuse tendance.
4- Déplorent les actions déployées par certaines parties pour faire échouer l’initiative de l’UGTT visant à sauver le pays qui a été adoptée par le président de la République en essayant de la vider de son contenu, et dont l’urgence a été confirmée après la récente crise. Ils tiennent toutes les parties responsables dans l’échec à trouver des solutions à cette crise. Ils affirment, en retour, que l’UGTT continuera à jouer son rôle national en défendant l’unité de l’Etat et de ses institutions et en protégeant et défendant les intérêts et les droits de toutes les catégories du peuple tunisien.
5- Condamnent l’atteinte aux libertés et la répression des protestations par la force, en restreignant le travail des professionnels des médias, en attaquant la liberté de la presse et en frappant son indépendance (la dernière en date étant l’attaque contre un caméraman de la télévision nationale par un député d’Ennahda),en essayant de monopoliser l’espace public et les espaces virtuels et empêcher les manifestations et les expressions d’opinion pour faire taire et déformer l’opinion contraire sous prétexte d’imposer la sécurité. Ils récusent l’implication des services de sécurité dans les conflits politiques, les confrontations avec les jeunes, les affrontements avec les citoyens et la confiscation des droits et des libertés. Ils exigent la neutralité de l’appareil de sécurité et la consécration de la culture de la démocratie et des droits de l’homme en son sein. Ils exigent également la libération des mineurs interpellés, les élèves, les étudiants et les bloggeurs arrêtés et demandent l’abandon des peines sévères qui leur ont été infligées. Ils affirment que les syndicalistes hommes et femmes seront aux premiers rangs pour défendre les libertés et les droits, et qu’ils seront mobilisés pour imposer le droit de manifester, de protester et de s’exprimer par tous les moyens et formes pacifiques.
6- Condamnent avec fermeté les récentes déclarations de certains membres du gouvernement dans lesquelles ils ont exprimé une volonté effrénée de toucher aux moyens de subsistance du peuple, de porter préjudice à ses entreprises et à ses acquis. Ils réitèrent leur refus des déclarations consistant à prévoir une baisse des salaires, à annuler les subventions, accéder les entreprises publiques et à poursuivre l’arrêt des recrutements et à accroître l’endettement du pays en faisant assumer au peuple les choix économiques ratés des gouvernements successifs et en hypothéquant le pays et les générations futures aux diktats extérieurs qui n’ont rien à voir avec les attentes et les aspirations des Tunisiens. Les membres de la Commission administrative déclarent que ce même gouvernement a occulté les priorités immédiates du pays, y compris de faire face à la pandémie du COVID 19 et d’œuvrer pour sauver la vie des citoyens et des professionnels de la santé publique. Il a échoué dans la gestion de la crise sanitaire, dans l’amélioration des conditions hospitalières et dans le développement des services sanitaires. Il a également échoué à fournir les vaccins, à faire face aux répercussions sociales de la pandémie sur les entreprises, les employés et la majorité du peuple, en particulier les catégories vulnérables, de sorte que le nombre de chômeurs a augmenté, le taux de pauvreté s’est gonflé, l’exclusion et la marginalisation se sont approfondies et en contre partie une minorité a vu sa richesse croître par la contrebande, le monopole, la corruption et l’évasion fiscale et sociale sous la protection des autorités et la complicité de certaines parties politiques bénéficiaires.
Par conséquent, les membres de la Commission administrative nationale appellent le gouvernement à réorganiser ses priorités et à établir un plan d’urgence pour mettre fin à l’irrespect de la vie des Tunisiens hommes et femmes, et l’appellent à ne conclure aucun accord de partenariat international à la lumière de la pandémie sans la participation des partenaires sociaux et de la société civile. Ils mettent également, le gouvernement, en garde contre l’utilisation de l’émission d’obligations comme point d’entrée pour des concessions douloureuses, dont la plus dangereuse est la normalisation avec l’entité sioniste.
7- Renouvellent leur refus de céder des entreprises publiques et leur attachement à les sauver par le biais de la bonne gouvernance, la réforme de leur gestion, le soutien de leur financement, le remboursement de leurs dettes envers l’État, et la garantie de toutes les conditions d’efficacité, de concurrence et de leadership.
8- Appellent le gouvernement à mettre en œuvre les accords signés avec de nombreux secteurs, affirment la nécessité d’une interaction sérieuse et responsable lors de la prochaine session de la commission mixte pour résoudre tous les problèmes en suspens, et appellent à l’ouverture de négociations sociales dans la fonction publique avec ses aspects réglementaires et financiers conformément à l’accord de février 2019 et dans le secteur public en application de l’accord signé le 22 octobre 2018, ainsi que dans le secteur privé, selon l’accord signé le 19 septembre 2018, afin de faire face à la détérioration des conditions matérielles des travailleurs de tous les secteurs et de leur pouvoir d’achat du fait de la forte hausse des prix et de l’incapacité de l’État à contrôler les circuits de distribution et sa tendance à assujettir le citoyen à plus de charges fiscales. Ces négociations doivent s’accompagner de mesures sociales et économiques pour réduire les charges pesant sur les Tunisiens hommes et femmes, qu’elles soient liées aux prix, à la fiscalité, aux services publics et sociaux en termes d’éducation, de santé et de transport.
Les membres de la Commission administrative nationale appellent également le gouvernement à soutenir d’urgence les mesures sociales prises en faveur des travailleurs du tourisme et à les étendre à tous les travailleurs des secteurs touchés par la pandémie.
9- Prient pour le repos du martyr Chokri Belaid à l’occasion du huitième anniversaire de son assassinat, et renouvellent la demande de révéler la vérité sur les assassinats politiques et tous les assassinats des sécuritaires et des militaires et sur ceux qui les ont planifiés, financés et exécutés. Ils prient pour les martyrs de la Révolution et réaffirment la nécessité d’accélérer la publication de la liste définitive des martyrs et des blessés du 17 décembre – 14 janvier.
10- Expriment leur attachement indéfectible à défendre les revendications des travailleurs et les libertés collectives et individuelles des Tunisiens par tous les moyens légitimes et déclarent que la Commission administrative reste ouverte pour suivre les développements de la situation.